Le conseiller n'a pas agi malgré les préoccupations répétées de l'investisseur
En janvier 2007, Mme P. est âgée de 52 ans. Son ex-mari, récemment décédé, lui laisse un REER d'environ 300 000 $ placé dans une société de placement appartenant à une grande banque. Elle communique avec les conseillers du compte REER pour discuter des questions de transfert de succession et elle ouvre un nouveau compte REER dans lequel elle transfère le REER de son ex-mari.
Elle transfère également environ 45 000 $ en certificats de placement garanti et environ 6 000 $ en fonds communs de placement de ses comptes REER qu'elle détient dans une autre firme pour consolider ses placements enregistrés.
En janvier 2007, le nouveau formulaire de demande d'ouverture de compte de Mme P. indique un objectif de croissance à long terme et une tolérance moyenne au risque.
En février 2007, le produit d'une assurancevie de 500 000 $ est déposé dans le nouveau compte non-enregistré de Mme P. Par ailleurs, elle ouvre un compte « en fiducie » où elle dépose 29 000 $ pour son fils. Elle rencontre les conseillers, qui ont préparé un inventaire financier, pour discuter plus en profondeur de ses besoins financiers. Avant le décès de son exmari, Mme P. recevait une pension alimentaire de 2 000 $ par mois et gagnait environ 30 000 $ par année à titre d'aide-comptable. Au décès de son ex-mari, Mme P. démissionne de son poste pour s'occuper de sa famille et des questions de succession, avec l'intention de trouver un autre emploi plus tard.
Le 22 février 2007, Mme P. remplit un questionnaire qui indique clairement que ses placements ont un objectif de revenu, qu'elle a besoin de 3 000 $ par mois et qu'elle peut accepter de faibles fluctuations à court terme, mais non de subir une perte.
Les conseillers lui recommandent alors un choix de placements, notamment des billets à capital protégé ainsi que des fonds communs d'obligations et d'actions, allant d'un risque faible et moyen à élevé. En juillet 2007, au moment où ils font un placement dans un fonds commun à risque plus élevé, les conseillers modifient la tolérance au risque de Mme P. : le risque moyen de 100 % est ramené à 75 %, et un risque élevé à 25 % est ajouté.
De novembre 2007 à juillet 2008, Mme P. envoie au moins sept courriels aux conseillers faisant valoir avec véhémence que sa tolérance au risque est très faible, qu'elle ne comprend pas le fonctionnement du marché ou ce qui fait qu'un investissement est bon, qu'elle leur avait dit vouloir des placements sûrs qui lui rapporteraient des intérêts, qu'elle ne pouvait se permettre de subir des pertes et qu'elle était préoccupée et physiquement perturbée en raison de la baisse de ses valeurs de placement. Au printemps 2008, elle demande précisément que ses placements soient modifiés afin qu'il n'y ait aucun risque ni aucune autre perte. Les conseillers lui répondent alors qu'elle ne devrait pas se préoccuper des pertes en capital ni prendre de décisions irrationnelles, que ce serait irresponsable et une erreur de faire des changements et qu'elle devrait maintenir les placements jusqu'à ce que ceux-ci aient repris de la valeur.
Finalement, Mme P. transfère ses comptes ailleurs à la fin de 2008. Elle porte plainte auprès de la firme à propos de ses placements et demande un dédommagement, particulièrement au titre des pertes subies dans son compte non-enregistré. Elle excluait de sa plainte les pertes de son compte REER, car elle avait décidé de maintenir les placements du compte REER de son ex-mari pour des raisons sentimentales. N'ayant reçu aucune offre de dédommagement de la firme, Mme P. a déposé sa plainte auprès de l'OSBI.
Plainte accueillie
Au cours de notre enquête, les conseillers ont admis avoir eu une discussion limitée à propos des objectifs de placement et de la tolérance au risque de Mme P. en janvier 2007. En dépit des paramètres liés à l'objectif de placement et à la tolérance au risque figurant dans la demande d'ouverture de compte de même que dans les formulaires de mise à jour, le questionnaire qu'avait complété Mme P., en février 2007, démontrait clairement qu'elle était du type investisseur à faible tolérance au risque, recherchant un revenu avec capital entièrement garanti. Bien que les conseillers aient admis qu'il s'agissait bien là des objectifs et de la tolérance au risque de Mme P., nombre des placements qu'ils lui avaient recommandés excédaient cette tolérance et n'étaient pas appropriés à son objectif de capital entièrement garanti. Les conseillers nous ont dit qu'ils avaient toujours offert à Mme P. l'option de vendre, mais qu'elle avait suivi leur avis pour éviter de cristalliser la perte.
Mme P. nous a dit qu'il n'y avait pas eu de discussion sur les fluctuations ou le risque jusqu'à ce que la valeur de ses placements commence à diminuer et qu'elle leur ait fait part de ses préoccupations. Les conseillers ont fait remarquer que Mme P. avait plus de 15 ans d'expérience en placement dans des fonds communs et que, par conséquent, elle avait une bonne appréciation des fluctuations du marché et du risque. Selon nos entrevues avec Mme P. et avec les conseillers, et à la lumière des courriels échangés entre eux en 2007 et en 2008, nous avons déterminé que Mme P. avait une connaissance limitée en matière d'investissement. Nous n'avons par ailleurs pas pu conclure, à la lumière des notes au dossier et des autres éléments de preuve, que les conseillers avaient suffisamment informé Mme P. des risques et de la volatilité prévisible des placements qu'ils lui avaient recommandés.
Même si Mme P. ne comprenait pas que ses placements n'étaient pas appropriés, nous avons constaté qu'elle a immédiatement communiqué ses préoccupations à propos de la baisse de son portefeuille et qu'elle a fait tout ce qui était en son pouvoir, à notre avis, pour tenter de limiter ses pertes. Néanmoins, les conseillers ne l'ont pas aidée à prendre des mesures, lui assurant plutôt à maintes reprises que les valeurs remonteraient et la convainquant de laisser son portefeuille intouché.
Dans ces circonstances, nous avons trouvé qu'il était raisonnable que Mme P. suive l'avis des conseillers de maintenir ses placements afin de recouvrer des pertes qu'elle n'avait jamais prévues au départ et nous avons conclu que les conseillers étaient entièrement responsables de la perte subie par Mme P.
Nous avons calculé que Mme P. a perdu environ 34 000 $ à l'égard des comptes non-enregistrés et « en fiducie », et qu'elle aurait gagné un modeste montant de revenu si elle avait effectué des placements de faible risque et porteurs d'intérêts, en raison du bas taux d'intérêt appliqué à cette période. La firme a accepté nos conclusions et a réglé le différend avec Mme P.
(2011)