Bulletin des consommateurs : Soyez à l'affût des risques que comportent les placements sans conseils
Les Canadiens sont plus nombreux à opter pour des placements autogérés ou sans conseils. En 2020, plus de deux millions de comptes de placements sans conseils ont été ouverts au Canada, soit plus de deux fois le nombre ouvert en 2019. C'est une hausse inégalée du nombre de Canadiens qui se servent des services d’une firme d’exécution d’ordres seulement pour négocier des valeurs mobilières par eux-mêmes. Les firmes d’exécution d’ordres seulement donnent aux investisseurs un accès à des plateformes de négociation, mais n'émettent aucune recommandation, ne fournissent pas de conseils et n'évaluent pas la convenance d'un placement. Il s'agit-là d'une caractéristique importante de ce type de firme.
Qui plus est, on note une hausse marquée des plaintes soumises à l'OSBI par des investisseurs insatisfaits de l'expérience qu'ils ont vécue auprès de firmes d’exécution d’ordres seulement. Nombre de ces plaintes portent sur les sujets suivants :
- Transactions erronées – Il s'agit normalement d'une perception que l'ordre a mal été exécuté ou qu'un autre type d'erreur a été commise relativement à l'opération du client.
- Problèmes liés au service – Ces problèmes peuvent être d'ordre technique, comme la défaillance d'un système qui entraîne des perturbations de service, ou d'ordre non technique, comme une mauvaise gestion des préoccupations soulevées par des consommateurs.
- Problèmes associés à la marge – En général, il s'agit de situations qui surviennent lorsque des clients décident d'acheter des placements sur marge (emprunter pour investir).
Dans certains dossiers que nous avons traités, le problème principal des plaignants s'est accentué pour les raisons suivantes.
- L'effet de levier était élevé (une part importante du compte avait été achetée sur marge).
- Ils ont acheté des options sur actions, puis, en raison de la fluctuation rapide et inattendue des cours et de la volatilité des marchés, ils ont subi de graves conséquences.
Bien souvent, ces investisseurs estiment que la firme a causé leur perte financière ou qu'elle y a contribué.
Les placements sans conseils comportent des risques et des responsabilités
Lorsque des investisseurs décident d'investir dans un compte sans conseils, ils n'ont pas à payer les frais qu'un conseiller leur aurait facturés. Mais ils acceptent également la responsabilité et les risques associés aux décisions de placement qu'ils prennent par eux-mêmes.
Il ne faut pas oublier que nul n'est à l'abri de pertes, lorsqu'il :
- investit par lui-même, sans posséder les connaissances adéquates en matière de placements,
- ne suit pas ses placements et le marché, ou
- utilise des stratégies de placement complexes sans en comprendre les limites ni les risques éventuels.
Le présent bulletin vise à informer les investisseurs des situations qui risquent de se produire lorsque les placements sans conseils ne vont pas comme prévu. Ci-dessous, nous dressons la liste des risques qui ressortent des dossiers que nous avons récemment traités et dont les investisseurs devraient être à l'affût.
Risque n° 1 : Des perturbations pourraient vous empêcher d'accéder à votre plateforme de placement
Lorsque vous utilisez une plateforme de placement sans conseils, des interruptions et des retards de service peuvent survenir et, le cas échéant, risquent de vous faire rater des occasions ou d'entraîner des pertes éventuelles.
Pendant les confinements, les firmes d'exécution d'ordres seulement ont vu le nombre de comptes augmenter considérablement. En effet, de nombreux investisseurs autonomes se sont tournés vers les solutions en ligne pour investir par eux-mêmes. Cependant, la pandémie a été marquée par des périodes de forte volatilité des marchés au moment où les investisseurs tentaient d'utiliser les plateformes en ligne des firmes, ce qui a, à l'occasion, surchargé les systèmes. Lorsque ces investisseurs ont voulu parler à un représentant, ils se sont souvent butés à de longs temps d'attente en raison du volume exceptionnellement élevé d'appels.
Une panne de système, des difficultés techniques ou une incapacité à accéder à la plateforme peuvent toutes nuire à la capacité d'un investisseur à négocier sur une plateforme en ligne. S'il est vrai que de telles interruptions sont plutôt rares, la plupart des conventions de compte énoncent que la firme n'assumera aucune responsabilité financière pour les pertes découlant d'un problème de service technique.
Exemple de dossier de l'OSBI - Des difficultés techniques entraînent des problèmes de service pour un client
Investisseur chevronné, M. D était client de sa firme d’exécution d’ordres seulement depuis plus d'une décennie. Au cours de cette période, il a toujours été satisfait du niveau de service reçu. Un jour, il a éprouvé plusieurs problèmes techniques avec le site Web de la firme. Tout a commencé par des retards de connexion. Puis, une fois connecté, l'onglet « état des ordres » n'était pas disponible et l'écran des ordres ne s'affichait pas correctement. M. D n'était donc pas en mesure de consulter l'état de ses ordres ni les renseignements connexes à l'écran des ordres.
M. D était mécontent, car il avait tenté d'effectuer d'importantes transactions. Il a appelé la firme pour lui signaler le problème, mais n'a pas été en mesure de parler à un représentant en raison de longs temps d'attente. Dès que l'accès à son compte a été rétabli, il a décidé de vendre ses titres à un prix inférieur à celui qu'il avait envisagé et a perdu 13 500 $ US. Par la suite, il a déposé une plainte auprès de la firme en raison de l'interruption de service et a demandé une indemnisation pour ses pertes financières.
La firme a refusé. Elle a affirmé qu'en signant la convention de compte M. D avait reconnu qu'elle ne pouvait être tenue responsable des pertes découlant de problèmes de système.
Au cours de notre enquête, nous avons examiné les circonstances et avons confirmé les modalités de la convention. Bien que nous n’ayons trouvé aucune raison de recommander une indemnisation, la firme et M. D souhaitaient régler le problème et nous les avons aidés à parvenir à un règlement de 5 000 $ US en signe de bonne volonté.
Risque n° 2 : Les achats sur marge augmentent le risque de préjudice financier
Bien que les dettes sur marge aient atteint un sommet inégalé au Canada, la décision d'emprunter des fonds pour investir ne devrait jamais être prise à la légère. Les placements sur marge augmentent les gains, mais également les pertes, puisque l'investisseur court le risque de perdre son capital en plus des fonds empruntés.
De plus, lors de l'emprunt, la firme qui octroie le crédit impose certaines conditions que les clients doivent accepter, tout comme c'est le cas pour une carte de crédit, une marge de crédit ou tout autre produit de prêt. L'admissibilité des marges et les appels de marge sont les conditions les importantes auxquelles les investisseurs sur marge devraient être attentifs. Ces conditions confèrent aux firmes le droit de décider quels titres peuvent être achetés sur marge et leur permettent de demander un remboursement en tout temps et de vendre les placements détenus dans le compte si l'appel de marge n'est pas satisfait, sans égard aux pertes qui pourraient en découler.
Exemple de dossier de l'OSBI - Le prêt sur marge d'un client entraîne une importante perte financière
M. H était un investisseur chevronné qui gérait ses épargnes pour la retraite. Il comptait plus de 50 années d'expérience dans l'investissement. Dans la semaine précédant les fermetures induites par la pandémie, M. H était actif sur la plateforme de négociation de sa firme d'exécution d'ordres seulement. Il lui arrivait fréquemment d'acheter des titres sur marge, et l'effet de levier était élevé dans son compte. Dans les jours qui ont suivi le premier confinement de la mi-mars 2020, il n'arrivait plus à accéder à son compte en ligne. En raison de l'effet de levier dans son compte et de la volatilité des marchés, M. H s'est retrouvé dans une position risquée.
Lorsqu'il a cherché à obtenir l'aide de la firme, M. H est resté en attente bien longtemps avant que le système automatisé ne mette fin à l'appel. Il a tenté à plusieurs reprises de se connecter à son compte, mais en vain. Puisque M. H n'arrivait pas à accéder à son compte, il n'a pas été en mesure de répondre aux appels de marge de la firme. Par conséquent, les avoirs dans le compte de M. H se sont retrouvés en territoire négatif. La firme a donc vendu ses titres pour rembourser sa dette et M. H n'avait plus d'argent dans son compte.
M. H s'est plaint que la firme ne s'était pas préparée à faire face à la hausse du trafic sur son site Web et aux demandes téléphoniques auxquelles elle a été confrontée en raison de la pandémie. Lors de notre enquête, nous avons passé en revue la convention de compte de M. H et avons découvert qu'il avait accepté les risques qui y étaient divulgués relativement à l'utilisation de la plateforme de négociation en ligne de la firme, y compris des conditions de marché extrêmes. Sur la base de nos conclusions, nous n'avons recommandé aucune indemnisation pour les pertes subies par M. H.
Risque n° 3 : Toutes les opérations demeurent à l'entière discrétion de la firme
S'il est vrai que les firmes d'exécution d'ordres seulement mettent à la disposition des investisseurs les outils nécessaires pour qu'ils puissent négocier de façon autonome, leur rôle consiste à exécuter des ordres, à surveiller la plateforme et à garantir la sécurité de l'environnement en ligne. Par conséquent, chaque opération effectuée par un client est assujettie à l'approbation de la firme et peut être retardée ou refusée. C'est donc dire qu'une transaction pourrait ne pas être exécutée automatiquement, ou exécutée tout court, et que les investisseurs peuvent être touchés par la décision de la firme. Normalement, les firmes demandent aux clients d'accepter ces modalités dans la convention de compte.
Exemple de dossier de l'OSBI - Un consommateur prétend avoir subi un préjudice financier en raison de la surveillance de la firme
M. N aimait investir par lui-même. Il a tenté d'acheter des actions Q en ligne, mais a éprouvé des difficultés techniques avec le site Web de la firme. Lorsque M. N a appelé la firme, une représentante a reconnu l'existence des problèmes et lui a proposé d'exécuter son ordre par téléphone. M. N lui a demandé d'acheter des actions Q, et elle a suivi les directives qu'il lui a données.
Avant de mettre fin à l'appel, M. N a demandé à la représentante quel moyen serait utilisé pour l'informer de l'exécution de l'ordre. Elle l'a informé que si l'opération était exécutée, elle l'aviserait par courriel ou par téléphone et que l'opération figurerait dans son compte le lendemain. Lorsque l'appel a pris fin, M. N s'attendait à ce que la firme confirme l'exécution de son ordre pour l'achat des actions Q. La firme n'a toutefois jamais communiqué avec M. N
Le lendemain, M. N s'est connecté à son compte et a constaté que l'ordre avait été exécuté la veille. La valeur de l'action avait nettement diminué. Inquiet de la baisse de valeur, M. N a vendu ses actions et a subi une perte de 1 100 $. M. N a soutenu que sa perte financière découlait de l'absence de suivi de la part de la firme, car, s'il avait su qu'il détenait des actions Q, il aurait pu les vendre plus tôt.
La firme a admis qu'elle avait omis d'aviser M. N de l'exécution de l'ordre et lui a offert 200 $ en signe de bonne volonté. La firme a refusé d'indemniser M. N pour sa perte, car elle estimait avoir rempli son obligation d'exécuter l'ordre et n'avait aucune autre responsabilité.
Notre enquête nous a permis de conclure que si la représentante avait avisé M. N de l'exécution de l'ordre, ce dernier aurait pu empêcher une perte d'environ 650 $. Selon nos conclusions, nous avons recommandé une indemnisation de 650 $. La firme a accepté notre recommandation et M. N a accepté son offre.
Que faire si vous décidez que l'investissement sans conseils vous convient
- Lisez attentivement votre convention de compte. Vous y trouverez d'importantes divulgations sur les produits de placement et sur le niveau de service que votre firme offre ainsi que les coûts associés. Vous devez être conscient des risques et des avantages associés à l'utilisation du service de leur firme et bien les comprendre.
- Faites preuve d'une grande prudence lorsque vous avez recours à l'effet de levier et que vous négociez des options sur les plateformes de firmes d'exécution d'ordres seulement. Songez toujours à la position dans laquelle vous vous retrouverez si vous perdez accès à la plateforme ou que vous devez satisfaire un appel de marge.
- Songez à ouvrir des comptes sans conseils auprès de plusieurs firmes. Ainsi, si vous ne pouvez accéder à une plateforme, vous pourrez compenser les pertes en en utilisant une autre.
- Vous devez comprendre que les firmes d'exécution d'ordres seulement n'accepteront aucune responsabilité pour vos erreurs ou pour vos mauvais calculs. La firme s'attend à ce que les clients qui investissent sans conseils possèdent les connaissances nécessaires pour se protéger et qu'ils connaissant déjà les risques associés aux placements autonomes. Assurez-vous d'être à l'aise avec l'idée d'être votre propre conseiller en placement.
Études de cas et ressources connexes